Journal 3, hiver 2003-2004
éditorial
l'esprit de Tsampa équita : les parrainages
une école végétarienne
carnets en papier recyclé du TWO
encens tibétains
projet "turbine en Himalaya"
bilan fiancier année 2003
projets & autres activités de l'association
• livre : "la Guerre de l'eau"
livre sur l'histoire du Tibet : un projet toujours d'actualité !
Bhopal : déjà 20 ans !
hiver 54 : déjà 50 ans !
brèves

 


journal3
5,3Mo

Chronique de livre
Vandana Shiva, "La Guerre de l'Eau ; Privatisation, pollution et profit".
Paris, l'Aventurine, 2003. 162p, 13€.

Dans cet ouvrage au style direct et dénonciateur, habituel de l'auteure, Vandana Shiva dénonce les politiques meurtrières qui agissent pour transformer l'eau en marchandise : c'est le droit d'utiliser l'eau par toutes et tous contre le droit de la posséder par quelques un-e-s. À force d'exemples et d'arguments, elle dénoue les ficelles d'une situation complexe, dont nous ignorons le plus souvent jusque l'existence même. Même si l'Inde - l'auteure est Indienne - est au centre de ce livre, les éléments avancés nous concernent, ne fut-ce que parce que notre mode de vie occidental est basé sur l'accaparement des richesses d'autres pays : "un mode de vie qui permet à 20% de la population mondiale [donc nous] d'utiliser 80% des ressources de la planète prive 80% de la population de leur juste part des ressources". L'eau manque en Inde et dans des dizaines de pays à cause des besoins des nouvelles méthodes de cultures : irrigations à grandes échelles, introductions de nouvelles espèces avides d'eau (contrairement aux espèces locales, adaptées à la sécheresse) et vouées à l'exportation (coton, sucre… ).
L'eau manque de plus en plus aussi alors que, paradoxalement, des sommes énormes sont investies dans des installations hydrauliques ultra-modernes, mais "les puissantes technologies d'extraction n'aboutirent pas à une utilisation optimale de l'eau, mais seulement à son épuisement".
Et pendant que quelques grosses firmes privées et l'État "gèrent" les ressources en eau, les associations millénaires de villageois-e-s sont déclarées illégales et leurs revenus (cotisations collectives) sont détournés. L'eau laissée à son libre court perd sa valeur et est considérée, d'un point de vue mercantile, comme gaspillée, or l'eau non exploitée joue au contraire un rôle essentiel dans l'entretien de processus écologiques, comme la recharge des nappes phréatiques.
La Banque mondiale, le FMI, Suez-Lyonnaise des Eaux et Vivendi Environnement sont en tête d'affiche des groupes épinglés par Vandana Shiva pour leurs ravages écologiques à l'échelle planétaire et en tant qu'acteurs majeurs de la "Guerre de l'eau". Des firmes comme Coca-Cola profitent largement de la pénurie d'eau potable et multiplient ventes d'eau en bouteille et sodas. Ces entreprises ont donc tout intérêt à soutenir la crise de l'eau, qui "est une crise écologique dont les causes sont commerciales mais à laquelle il n'y a pas de solution marchande". Selon Vandana Shiva, la solution serait d'appliquer une "démocratie écologique", et elle nous rappelle que la démocratie ne se limite pas au rituel du bulletin dans l'urne, mais que c'est le pouvoir qu'ont réellement les populations de "donner forme à leur destin".
Et elle ponctue son ouvrage de luttes locales exemplaires : au Rajasthan une mobilisation a permis la restauration des réservoirs traditionnels, au Kerala le lait de coco est remis au goût du jour au détriment du Coca, les habitant-e-s d'Argentine refusent de payer leur facture à la Lyonnaise des Eaux qui avaient doublé les tarifs et diminué la qualité de l'eau - l'entreprise a dû quitté le pays !
Autant de leçons de courage et de déterminations à suivre…


"Garçon, un Coca s'il vous plaît ! Ce n'est quand même pas de ma faute si Coca existe !" ni, très certainement, si Coca exploite ses salarié-e-s, soutient le commerce de l'eau au détriment de l'eau potable accessible à toutes et à tous, et pollue la planète à grand renfort de cannettes en aluminium… "Ce n'est quand même pas de ma faute" est une petite phrase anodine, une petite pensée assassine, puisqu'elle cautionne tous les désengagements et toutes les irresponsabilités possibles et inimaginables à travers le monde ! Ça sonne un peu comme : "Si ce n'est pas moi qui le fait, ce sera quelqu'un-e d'autre… ", sans envisager que ce ne pourrait être personne si tout le monde (donc soi-même aussi !) disait "non". Avant de commander un Coca, en France ou ailleurs, songeons quelques instants à la politique de la firme et aux luttes menées pour la vie et contre elle…