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Chronique
de livre
"Quand le développement
crée la pauvreté :
l'exemple du Ladakh"
Helena
Norberg-Hodge. Paris, Fayard, 2002.
En lisant
ce livre, laissez-vous transporter en Himalaya, y découvrir la société
ladakhie, amicale, chaleureuse, rurale
Celle où des gens vivent
paisiblement ensemble dans de grandes maisons et celle des villages aux mille
facettes d'une vie enrichissante. Laborieuse aussi, bien sûr, mais où
le dénuement matériel n'est pas signe de misère ni d'isolement,
où la famine n'existe pas, où le travail n'est pas une aliénation.
Aussi incroyable que celui puisse paraître, les gens vivent tout simplement
heureux. Helena Norberg-Hodge, l'auteure, qui s'est très régulièrement
rendue au Ladakh pendant une trentaine d'années, n'en revient d'ailleurs
tout simplement pas : " Je ne pouvais croire que les ladakhis fussent
réellement aussi gais : il me fallut longtemps pour comprendre
que leurs sourires n'avaient rien d'affecté. " Cette révélation
lui fit voir la société occidentale sous un nouveau jour. Sans
verser dans un manichéisme excessif ou simplificateur, la comparaison
entre ces sociétés, occidentale et ladakhie, s'avère
décapante et ouvre la porte à bien des questions.
Mais au fil des pages nous découvrons bientôt quelles influences
et modifications apportent depuis maintenant 25 ans l'Occident, le modernisme
et le progrès à cette vallée himalayenne. Le tourisme,
la présence militaire, les interventions gouvernementales, bouleversent
les repères et les mentalités. Pas à pas, l'auteure nous
montre par quels processus le " développement "
peut s'accompagner
d'un sentiment d'infériorité chez les " sous-développé-e-s "
et d'un rejet de leur culture, et comment des faits apparemment sans liens
finissent par avoir des conséquences très globales.
Nous comprenons que la pauvreté peut prendre plusieurs visages : celle
du dénuement matériel, qui était autrefois bien vécu
au Ladakh, et celle de la misère sociale, celle liée à
un complexe d'infériorité, qui ravagent aujourd'hui la société
ladakhie. Le tout sur fond d'" escroquerie ", celle menée
par un tiers de la population mondiale (devinez laquelle ?) qui consomme les
deux tiers des ressources de la planète puis " enjoint aux
autres d'en faire autant ".
Ce livre montre, faits et observations à l'appui, que ce n'est pas
de " développement " dont a besoin le monde, mais
de " contre-développement " et qu'" il
nous faudra expliquer haut et fort que les modèles actuels ne sont
tout simplement pas viables ".
Mais des Ladakhi-e-s réagissent, les alternatives se multiplient et
la fascination d'un Eldorado occidental commence à s'estomper. Si la
lecture de ce livre peut donner envie d'aller au Ladakh - et de faire bien
attention à comment on s'y comporte, à ce qu'on y apporte, et
on peut aussi se demander ce qu'on y cherche -, finalement elle motive surtout
à participer à des alternatives là où nous sommes
: pas besoin d'aller au-bout-du-monde pour agir ! Car, comme l'écrit
l'auteure : partout, des millions de gens et de mouvements de résistance
s'organisent.
Ne soyons pas en reste.
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