Traduction de
" Women's Rights; Violation in TIBET "

édité par le Tibetan Centre for Human Rights and Democracy.
Novembre 2000.

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qui peut être commandée à Tsampa équita
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VIOLENCE CONTRE DES FEMMES AU TIBET

Les droits fondamentaux des femmes tibétaines sont aujourd'hui encore bafoués, à un niveau politique, culturel, économique, social et physique. Des femmes tibétaines, dont très souvent des nonnes, sont toujours arrêtées de façon arbitaire pour avoir simplement exercé leur droit à la liberté d'opinion et d'expression : elles subissent alors des mauvais traitements et des tortures en prison. Les Tibétaines sont également victimes de stérilisations, d'avortements et de contraception forcés.
La Chine a pourtant ratifié la Convention de l'ONU sur l'Élimination de toutes les Formes de Discriminations Contre les Femmes, en 1980. Les législations internes à la Chine et ses obligations internationales ont échoué à faire respecter les droits des femmes tibétaines au Tibet. Dans les faits, le gouvernement chinois maintient toujours une politique planifiée et systématique de discrimination et de violence contre les femmes tibétaines.

LES FEMMES EMPRISONNÉES

Les femmes tibétaines ont toujours joué un rôle actif en faveur de la promotion et la protection des droits de la personne et de la liberté. Depuis l'occupation chinoise au Tibet en 1959, des femmes, et tout particulièrement des nonnes, dirigent de nombreuses actions pacifiques, visant à mettre fin à la répression chinoise.
26% des détenu-e-s politiques des prisons chinoises au Tibet sont des femmes. En décembre 1999, le chiffre reconnu des prisonnier-e-s politiques était de 615, dont un total de 162 femmes. 80% des femmes détenues sont des nonnes.

Les conditions de vie des femmes en prison sont largement en dessous des normes internationales minimales concernant la détention d'êtres humains. Les femmes n'ont accès à aucune hygiène particulière lors de leurs règles, et elles ne sont pas autorisées à se laver pendant de longues périodes. Elles sont obligées d'effectuer de lourdes tâches, des exercices très durs, et elles subissent d'autres formes de tortures psychologiques et physiques.
Résistant malgré la torture, les femmes tibétaines continuent à manifester leur opposition aux autorités chinoises durant leur emprisonnement.
Les 1er mai (Journée du Travail) et 4 mai (Journée de la Jeunesse) 1998, les détenu-e-s de la prison de Drapchi ont manifesté leur contestation lors de l'appel à la cérémonie de levé de drapeau. Les manifestants ont immédiatement été encerclés par les forces armées de la police et ont été battus, ainsi que les nonnes détenues qui s'étaient jointes au mouvement. La cérémonie a été stoppée et toutes les nonnes de l'unité 3, soit une centaine au total, ont été blessées. Beaucoup saignaient. Les autorités ont sélectionné au hasard 20 nonnes et les ont placées en isolement total, trois nonnes supplémentaires ont vu leur condamnation s'alourdir, les autres ont été placées en isolement pour sept mois.

Ngawang Sangdrol est la détenue politique la plus ancienne au Tibet. Elle purge actuellement une peine de 21 ans à la prison de Drapchi. Elle a été arrêtée la première fois à l'âge de 10 ans, pour avoir participé à une manifestation indépendantiste en 1987. Pour cela, elle a été détenue 15 jours. Elle a de nouveau été arrêtée le 28 août 1990 à l'âge de 13 ans, et elle a été détenue pendant neuf mois. Sa peine actuelle date du 17 juin 1992, lorsqu'elle a été arrêtée en train d'essayer d'impulser une manifestation pro-indépendantise à Lhasa. Sa peine a été rallongée à trois reprises : en juin 1993, en juin 1996 et en octobre 1998, après le mouvement de protestation mené à la prison de Drapchi. Elle a alors été particulièrement victime de mauvais traitements et d'un placement en isolement. Son état de santé serait extrêmement affaibli.

LES MAUVAIS TRAITEMENTS ENVERS LES FEMMES

Des publications éditées par des associations, dont le Tibet Information Network, ont particulièrement étudié la situation des Tibétain-e-s dans les prisons chinoises. Il ressort que " le taux auquel les prisonniers politiques tibétains décèdent en détention, ou peu de temps après leur libération mais comme étant le résultat de leur détention, est en augmentation. Les femmes prisonnières politiques, parculièrement celles détenues à la prison de Drapchi à Lhasa, sont particulièrement exposées. Le taux de mortalité avoisine 5%, ou 1 pour 20. "

Choeying Kunsang, arrivée du Tibet en avril 2000, a établi une liste exhaustive de la situation à la prison de Drapchi, suite au mouvement de mai 1998. Son témoignage comprend des détails sur les mauvais traitements, les violences sexuelles, les confinements à l'isolement pour des durées de 7 mois, les séances d'" exercices " et les cas de torture à mort. Son témoignage inclut également des informations générales sur les violences sexuelles envers les femmes à la prison de Drapchi. Ces informations sont accréditées par la large part qu'elles occupent dans les témoignages et les rapports établis sur une longue période. Selon ces rapports, des méthodes employées incluent : dénuement de force, application de chocs électriques de haut voltage sur les bouts des seins et les parties sexuelles, le viol ; les autorités chinoises envoient également à l'aide de matraques éléctriques des décharges sur les mains et les pieds, à l'intérieur de la bouche, dans le vagin et dans l'anus.

LA MORT AU BOUT DE LA TORTURE

Au cours de la réunion tenue par le Comité contre la Torture le 4 mai 2000, le représentant chinois Quio Zong Zhun a soutenu dans son intervention que " les autorités chinoises respectaient et se conformaient aux recommandations de la Convention. ". Il a affirmé que les autorités chinoises faisaient tout leur possible pour prévenir la torture et autres traitements inhumains et dégradants envers les prisonnier-e-s.
Malgré ces affirmations, les prisonnier-e-s politiques tibétain-e-s continuent de subir la torture et des traitements inhumains en prison. Les exemples suivants illustrent ce que les prisonnier-e-s politiques tibétain-e-s, et particulièrement les femmes, subissent comme torture dans les prisons chinoises officielles, parfois jusqu'à la mort.

Dekyi Yangzom (Drupkyi Pema) était une nonne âgée de 21 ans, vivant à la nonnerie Nyemo Dowa Choten. En février 1995, elle a été arrêtée et condamnée à quatre ans de prison pour avoir participé à une manifestation pour l'indépendance, à Lhasa. Yangzom a été sauvagement battue une semaine après son incarcération en mai 1998 à la prison de Drapchi. Les autorités lui ont appliqué des décharges électriques sur la poitrine, dans la bouche et les parties génitales. Son visage est devenu bleu et noir. Elle pouvait à peine parler. Pourtant, le jour suivant elle a dû rejoindre les autres et, comme eux, elle fut obligée de se tenir debout en plein soleil, de sept heures du matin jusqu'à huit heures du soir. Yangzom, ainsi que d'autres détenu-e-s , fut forcée de tenir du papier journal entre les jambes et sous les aisselles et de maintenair en équilibre sur sa tête un récipient plein d'eau. Beaucoup de détenu-e-s se sont évanoui-e-s mais il fut interdit de leur porter secours. Le 13 mai 1998, Yangzom manquait à l'appel, ainsi que d'autres nonnes. Plus tard, elle fut déclarée morte, mais si les autorités chinoises ont déclaré qu'elle s'était suicidée, il est clair qu'elle est morte suite aux tortures qu'elle a subies. Des cas similaires sont ceux de Tashi Lhamo, Tsultrim Sangmo, Lobsang Wangmo et Kundol Yonten, qui sont décédées des conséquences directes d'actes de violence.

L'INTERDICTION DES PRATIQUES RELIGIEUSES

La répression chinoise envers la liberté de pratiquer la religion au Tibet infige aux nonnes tibétaines des formes diverses de harcèlement. Au cours de la première moitié de l'année 2000, de nombreuses arrestations et détentions de nonnes sont rapportées. Les expulsions des insitutions religieuses sont toujours des pratiques courantes, et la présence continue des " équipes de travail " dans les nonneries laisse deviner que beaucoup de nonnes sont toujours victimes de harcèlement. Le nombre de nonnes a également été réduit par la fermeture de nonneries.
Le US State Department, dans son Rapport annuel sur les droits humains de 1999, publié en février 2000, note que " Les bouddhistes tibétains… subissent une pression croissante tandis que le gouvernement met un frein aux activités dissidentes ou 'séparatistes'. " Ce rapport explique que le gouvernement chinois " répand et intensifie sa continuelle 'campagne patriotique d'éducation' dans le but de contrôler les monastères et d'en exclure les fidèles au Dalai lama. "
Toujours selon ce Rapport, des programmes obligatoires de " rééducation patriotique " consistent à confondre les " traîtres " en les forçant à signer une dénonciation contre le Dalai lama et le Panchen lama reconnu par le Dalai lama, et à leur interdire de posséder une photo d'aucun d'eux. Ces programmes incluent également la reconnaissance envers l'unité de la mère patrie et le rejet de l'indépendance du Tibet. Ces campagnes de " rééducation " durent fréquemment plusieurs mois, et toutes les nonnes qui n'y adhèrent pas sont exclues de leur monastère.

Ngawang Dechen, arrivée au Népal en mars 2000, était nonne au monastère de Rakor à Toelung County. Avec les 82 nonnes restantes, elle a été exclue de son monastère au cours d'une campagne chinoise de " rééducation patriotique ". La nonnerie a été fermée à cause de la résistance de ces nonnes aux " équipes de travail " ayant pour objectif la dénonciation du Dalai lama. Selon Dechen, les nonnes ne sont pas autorisées à rejoindre une autre nonnerie et se retrouvent dans la totale incapacité d'exercer leur religion à cause de leur expulsion.

LE CONTRÔLE OBLIGATOIRE DES NAISSANCES

La politique chinoise concernant le transfert des populations et le contrôle des naissances est assimilée à une tentative de génocide en vue d'exterminer le peuple tibétain. La situation générée par cette politique organisée et systématique se manifeste par des discriminations et des violences envers les femmes tibétaines.
" Les paysans et les bergers tibétains de la Région autonome du Tibet peuvent avoir autant d'enfants qu'ils le désirent "
, stipule pourtant la National Minority Policy (politique envers les minorités nationales) de Chine (septembre 1999).
Contrairement aux lois internationales et nationales garantissant aux femmes tibétaines leur droit de reproduction, le gouvernement chinois mène une politique illégale de discrimination ayant pour objectif de réduire la population tibétaine.
" Il est nécessaire de stériliser de force les couples qui n'ont pas su se faire stériliser ni utiliser de méthodes contraceptives. " extrait de Politics and Law Tribune, pp. 89-93 (Beijing, avril 1993).
Le docteur Blake Kerr, dans un discours sur " Des réponses à l'encontre des femmes et des jeunes au Tibet " en 1993, a rapporté que dans les hôpitaux de Lhasa les avortements étaient pratiqués jusqu'au neuvième mois par injection chimique de " levanor ", une substance qui est inconnue dans les pays occidentaux. Il a confirmé que des infanticides étaient excercés dans les hopitaux en vue de contrôler la population. Le docteur Kerr a qualifié de " politiques de génocide " celles qui concernaient le contrôle des naissances au Tibet.
Le Planning familial reste une des grandes priorités de l'agenda gouvernemental chinois au Tibet. Des rapports font toujours état de deux enfants maximum par couple tibétain, au cours de la première moitié de l'année 2000. Le gouvernement chinois tente constamment de dissimuler ses violations derrière des chiffres impressionnants et divers programmes soi-disant favorables aux femmes.
L'imposition de quotas a pour objectif de restreindre le nombre des naissances, et toute famille qui dépasse les quotas donnés doit faire face à des discriminations et à des amendes élevées. Un enfant né en dehors des quotas est généralement officiellement considéré comme une " non-personne ". Il n'est pas enregistré et, en conséquent, ses besoins minimums vitaux ne sont pas pris en considération, comme l'alimentation, les cartes de rationnement, l'enseignement, ou les allocations auxquelles il aurait eu droit pendant sa vie.
Si une femme tombe enceinte alors qu'elle a déjà atteint le quota de naissances, elle subit de violentes pressions pour avorter tout au long de sa grossesse. En cas de résistance, elle peut être stérilisée de force après la naissance.
Les procédés d'avortement et de contraception envers les femmes Tibétaines sont pratiqués dans des conditions mettant en danger la santé des femmes. Ils se déroulent dans des endroits non adaptés, sans suivi médical, ni médication. En raison de ces " négligences ", de nombreux décès post-opératoires ont lieu. Généralement, l'opération comprend une stérilisation définitive ou la mise en place d'une contraception à long terme. La forme la plus commune de contraception est la mise en place d'un dispositif intra-utérin (IUD) accompagné d'une injection censée être efficace pour environ trois ans, ou encore le " Norplant ", c'est-à-dire un implant effectué dans le bras qui libère des hormones anti-ovulation plusieurs années. La peur d'être stérilisée et le manque d'informations sur la nature des produits découragent de nombreuses femmes à être par ailleurs médicalement suivies pour leur santé générale.

Khando Kyi, qui est arrivée en Inde à la fin du mois de mai 2000, occupait précédemment un poste officiel au Planning Familial du département d'Akham Township. Ses responsabilités comprenaient la direction et la sensibilisation envers la politique de contrôle des naissances, et elle a rapporté de nombreux détails sur les familles qui dépassaient le nombre maximum autorisé d'enfants. Elle indique que ce nombre était de trois enfants pour les familles paysannes et de nomades, et que celles qui dépassaient cette limite devaient payer une amende de 3 000 yuan (environ 420e). Des amendes ont également été notifiées à propos de l'espacement des naissances : si un second enfant naît moins de trois ans après le premier enfant, la famille doit payer 80 yuan.

Les femmes tibétaines ont toujours joué un rôle actif en faveur de la promotion et la protection des droits de la personne et de la liberté. Depuis l'occupation chinoise au Tibet en 1959, des femmes, et tout particulièrement des nonnes, dirigent de nombreuses actions pacifiques visant à mettre fin à la répression chinoise.
En 1999, on dénombrait plus de 615 prisonnier-e-s politiques au Tibet, dont 62 avaient passé plusieurs années en prison. Leurs crimes : détenir une photo du Dalaï Lama, agiter le drapeau national tibétain, s'écrier " Tibet libre " lors d'une manifestation pacifique ou publiquement, coller des affiches en faveur du Tibet sur les murs, traduire en tibétain la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, ou tout simplement parler de la situation des droits humains au Tibet à des touristes ou à des journalistes. Actuellement, environ 135 000 tibétain-e-s sont réfugié-e-s dans le monde : 100 000 en Inde, 15 000 au Népal, 1 500 au Bhoutan, 2 300 en Suisse, 2 000 aux USA et au Canada, 100 en Grande Bretagne, 200 en France.


Photos et illustrations :

des femmes tibétaines se baillonent symboliquement pour dénoncer le silence qui leur est imposé, lors de la Quatrième conférence des nations unies sur les femmes. Pékin, 1995.
réfugiée tibétaine manifestant à Dharamsala, Inde, lors de la manifestation du 12 mars commémorant le soulèvement des femmes tibétaines. Photographie de Pierre-Yves Ginet, avec son aimable autorisation.

extrait d'un dessin de Samdo, réfugiée tibétaine de 16 ans.